Les activités d’extraction d’or ont récemment repris dans le complexe de Loulo-Gounkoto, dans l’ouest du Mali, après plusieurs mois d’interruption. En janvier, le gouvernement malien a commencé à bloquer les exportations de la mine appartenant à la société canadienne Barrick Mining (anciennement Barrick Gold).
Le gouvernement a bloqué les exportations et saisi trois tonnes de lingots d’or à la suite d’un différend avec Barrick Mining concernant des impôts prétendument impayés.
Ce cas particulier est trop complexe pour être abordé ici. Cependant, les conflits concernant la distribution des revenus soulèvent des interrogations majeures quant à la façon dont les nations dotées de ressources naturelles tirent profit de leurs richesses.
Selon le Fonds monétaire international, l’évasion fiscale pratiquée par les multinationales minières priverait les pays africains de 470 à 730 millions de dollars américains de recettes fiscales par an.
Pour améliorer leurs infrastructures et leurs services de santé, ainsi que pour atteindre leurs objectifs de développement social, l’apport des recettes publiques générées grâce à la taxation de leurs ressources naturelles est d’une importance critique pour les pays d’Afrique subsaharienne.
Plusieurs raisons expliquent pourquoi les pays d’Afrique riches en ressources minérales ne tirent pas suffisamment profit de leurs ressources.
Déséquilibres de pouvoir, revenus insuffisants
Le Forum intergouvernemental sur l’exploitation minière et l’Organisation de coopération et de développement économiques ont recensé différents obstacles à la perception de recettes minières, notamment une législation défaillante, des prix de transfert abusifs et d’autres mécanismes de transferts de bénéfices artificiels.
De plus, les incitations fiscales régulièrement accordées pour attirer des investissements miniers, telle qu’une réduction significative des taux d’imposition et de redevances, sont rarement justifiées au regard de la perte de recettes publiques qu’elles entraînent.
Malgré ses importantes ressources minérales, le continent est en proie à un mécontentement généralisé, à la pauvreté et au sous-développement en raison des concessions excessives obtenues par les sociétés minières étrangères. Cette situation a été condamnée par les dirigeants de tout le continent.
En réponse, la Vision minière pour l’Afrique de l’Union africaine et les politiques qu’elle a inspirées, notamment la réforme des codes miniers, visent à garantir une contribution plus durable des ressources minérales du continent.
Or, les déséquilibres de pouvoir entre les entreprises étrangères et les gouvernements africains persistent et orientent les négociations relatives aux codes miniers, aux contrats et aux pratiques.
Bien que la situation varie d’un pays, d’un secteur et d’un site à l’autre, des recherches ont été menées pour déterminer les principaux obstacles à l’augmentation des recettes minières des États.
L’inégalité d’influence dans le cadre des négociations, qui favorise les sociétés minières, entraîne de nombreuses irrégularités. On peut citer, par exemple, la prolongation des clauses de stabilité malgré les réformes réglementaires, ou encore la priorité accordée aux contrats miniers par rapport aux cadres réglementaires nationaux plus larges.
Les pratiques du régime commercial international, les privilèges tarifaires à l’importation et les conventions bilatérales constituent de puissants facteurs dissuasifs à l’échelle internationale qui empêchent les États africains de mettre en œuvre des politiques profitables aux collectivités.
Code minier du Mali
Le secteur minier est un pilier de l’économie malienne. En 2022, il représentait 9,2 % du produit intérieur brut (PIB), 76,5 % des recettes d’exportation et 34,8 % des recettes publiques.
Comme dans d’autres pays du continent, la nouvelle législation minière vise à remédier aux dommages environnementaux et aux recettes minières décevantes qui sont l’héritage du passé. Le code minier de 2023 propose des réformes qui ont pour but d’améliorer les retombées nationales du secteur, à l’instar des mesures prises en Tanzanie, en Zambie et en République démocratique du Congo.
Ces réformes comprennent des exigences plus importantes en matière de participation de l’État (généralement de 10 à 30 %), des redevances et des taux d’imposition plus élevés, des exigences concernant le contenu et les emplois locaux, des dispositions plus strictes relatives à la responsabilité environnementale et sociale, ainsi que des obligations accrues en matière de développement communautaire.
Le code de 2023 vise à renforcer la souveraineté du Mali sur ses ressources et à garantir une répartition plus équitable des bénéfices.
Le régime fiscal a notamment été réformé pour supprimer certaines exonérations dont bénéficiaient les sociétés minières. Le nouveau code met aussi fin à l’allégement fiscal de 25 % accordé par les codes précédents pour une durée de 15 ans. Il introduit également une redevance de 10 % sur la production excédant les prévisions.
Par ailleurs, le Mali a créé plusieurs fonds pour répondre aux besoins du secteur et favoriser l’inclusion sociale.
Une autre innovation importante est la Loi relative au contenu local dans le secteur minier. Elle vise à encourager la participation d’entreprises et de travailleurs nationaux à ce secteur.
Comme d’autres pays riches en minerais, le Mali a dû faire face à une forte résistance, notamment de la part des entreprises les plus importantes et les plus influentes. Cela a conduit à une escalade de conflits plutôt qu’à des solutions négociées.
Il convient de noter que plusieurs sociétés, comme Robex Resources, ont conclu des accords avec le gouvernement malien. L’entreprise britannique Endeavour Mining a négocié avec le gouvernement des conditions d’exploitation dans le cadre du nouveau code minier.
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Deux autres producteurs d’or ont également signé des accords pour exercer leurs activités en vertu du nouveau code minier : Faboula Gold et Bagama Mining.
Bien que moins importants en termes d’investissement, ces projets illustrent la possibilité de mener à bien des initiatives conformément au nouveau code. Ils offrent aussi de nombreuses possibilités d’emploi dans les zones rurales.
Une souveraineté accrue
Certains analystes du secteur ont critiqué les pays riches en minerais pour avoir adopté une approche de « nationalisme des ressources ». Des études montrent toutefois que des revenus miniers bien gérés, transparents et stables pourraient contribuer à améliorer l’accès aux soins de santé et aux services sociaux au Mali et au Sénégal.
Le fait d’exercer une plus grande souveraineté sur les ressources naturelles afin d’assurer le bien-être de la population d’un pays pourrait en fait être salué comme un nationalisme responsable.
Le Mali et ses voisins sont confrontés à d’importantes menaces militaires et sécuritaires. L’industrie minière peut jouer un rôle clé dans la lutte contre ces problèmes en générant des revenus et des emplois.
Pour ce faire, elle devra respecter les réglementations nationales et contribuer de manière équitable aux recettes fiscales. En fin de compte, la rentabilité et la responsabilité sociale de l’industrie sont étroitement liées à la stabilité sociale du pays ainsi qu’au bien-être sanitaire, social et économique de sa population.

Bonnie Campbell, Professeure émérite en économie politique. Département de science politique de l'Université du Québec à Montréal., Université du Québec à Montréal (UQAM) and Moussa Doumbo, Enseignant-Chercheur, Faculté des Sciences Économiques et de Gestion, Université des Sciences sociales et de Gestion de Bamako
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
