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ÉFFETS INDÉSIRABLES

Sharon E. Straus et Jennifer Watt | 22 mai 2020

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La pandémie de COVID-19 a révélé des défis systémiques complexes qui nous empêchent de mettre en œuvre des solutions efficaces et durables pour atténuer la propagation de cette maladie. Pour faire face aux décisions difficiles à prendre afin de relever ces défis, il est nécessaire d’examiner attentivement les risques et les avantages liés aux stratégies imparfaites. La propagation rapide de la COVID-19 dans les établissements de soins de longue durée souligne la gravité de la situation. Au Canada, plus de 70 % des décès liés à la COVID-19 ont été constatés dans les établissements de soins de longue durée. Bien que ces statistiques soient choquantes, la décision de renforcer les ressources pour les soins de longue durée afin de ralentir la propagation de la COVID-19 risque également d'avoir des effets indésirables pour les personnes âgées qui vivent seules mais qui ont besoin de services sociaux et de soins de santé.  

Au Canada, nous avons de nombreuses personnes âgées fragiles physiquement et socialement qui vivent seules. La fragilité physique entraîne une diminution de la résilience et des réserves, agissant sur la capacité à répondre aux facteurs de stress tels que les chutes ou la grippe. Lorsque vous êtes fragile, des maladies mineures peuvent déclencher une détérioration rapide et spectaculaire. Les personnes âgées socialement fragiles risquent de perdre, ou ont déjà perdu, les réseaux sociaux d’amis qui les aident à vivre en sécurité au sein de la communauté.  La mise en place d'une distanciation sociale pour prévenir la propagation de la COVID-19 a augmenté les risques associés à la fragilité sociale et à l'isolement social chez les personnes âgées qui vivent seules dans la communauté, car l'isolement est un facteur de risque de dépression, d’état confusionnel aigu et de déficience fonctionnelle chez les personnes âgées. 

De nombreuses personnes âgées fragiles dépendent des aides-soignants qui les aident à se laver, à s'habiller et à préparer leurs repas afin de faciliter leur autonomie au sein de la communauté. Ces travailleurs peuvent être leur seul contact avec l'extérieur. Les aides-soignants sont souvent mal payés et, comme ils ne peuvent pas obtenir un emploi à temps plein chez un seul employeur, beaucoup d'entre eux travaillent dans plusieurs établissements (par exemple, dans la communauté et dans les soins de longue durée) pour gagner un salaire de subsistance. Les épidémies de COVID-19 dans les établissements de soins de longue durée ont donné lieu à une politique obligeant le personnel de la santé à travailler dans un seul établissement, ce qui a entraîné un transfert d’aides-soignants et d'autres travailleurs de la santé de la communauté vers les établissements de soins de longue durée, exposant ainsi les personnes âgées fragiles vivant seules au risque d'être négligées. 

L'isolement social expose les personnes âgées à des risques de mauvais traitements physiques, psychologiques et financiers. Étant donné le départ de ces aides-soignants, les soins aux personnes âgées peuvent être confiés à une personne qui n'est pas en mesure de fournir des soins adéquats. Nous vivons une période de stress sans précédent et, par conséquent, s'occuper d'une personne âgée souffrant de troubles cognitifs et de troubles en comorbidité peut engendrer un stress supplémentaire même chez le soignant le mieux intentionné. La charge reposant sur les épaules des soignants est un facteur de risque reconnu de mauvais traitements des personnes âgées. Pire encore, que se passe-t-il si personne (y compris la famille) n’est là pour s'occuper de ces personnes âgées isolées socialement ? 

Les personnes âgées socialement fragiles risquent également de ne pas bénéficier de soins médicaux adéquats pendant cette période. Avec la pandémie, les médecins sont passés aux soins virtuels en réponse aux directives ministérielles. Malheureusement, beaucoup de personnes âgées n'ont pas accès à un ordinateur, les médecins sont donc obligés de se fier aux appels téléphoniques pour évaluer l’état de santé. Bien qu'il soit possible de faire beaucoup de choses par téléphone, il est essentiel que les médecins voient ces patients fragiles pour constater des éléments physiques critiques, indétectables lors d'une conversation téléphonique. De plus, l'interaction en face à face avec un médecin peut avoir une valeur thérapeutique pour le patient. 

Alors que nous portons toute notre attention sur le colmatage des brèches, nous devons veiller à ne pas provoquer une autre fuite ailleurs. Pour atténuer certains des risques que nous avons exposés, nous encourageons le public à s'adresser aux personnes âgées en leur téléphonant et en leur livrant, entre autres, des produits d'épicerie. Il est également utile d'effectuer des contrôles réguliers auprès des aidants des personnes âgées pour favoriser leur bien-être. Enfin, si les soins virtuels peuvent contribuer à répondre aux besoins cliniques de certains patients, ils ne répondent pas aux besoins des personnes âgées socialement fragiles et peuvent accentuer les disparités en matière de santé. Cette pandémie a mis en évidence le fait que nous devions nous méfier des effets indésirables et nous rassembler en tant que communauté pour répondre aux besoins des personnes les plus vulnérables.