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FABRIQUER RAPIDEMENT UN VACCIN CONTRE LA COVID-19 

Bob Brunham | 25 mai 2020

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Le SARS CoV-2, l'agent causal de la maladie COVID-19, est apparu brusquement en décembre 2019 à Wuhan, en Chine. En raison de sa voie de transmission respiratoire, il s'est propagé dans le monde entier, infectant des millions de personnes et causant des centaines de milliers de décès. Dans les régions les plus touchées, la COVID-19 a submergé les systèmes de soins de santé qui n’étaient alors plus capables de fournir des soins. Si les mesures de santé publique impliquant l'identification des cas, l'isolement, la recherche de contacts et la mise en quarantaine ont permis de contenir la transmission du virus, l'incapacité à identifier toutes les personnes infectées a entraîné la propagation de la maladie au sein de la communauté, et les mesures de distanciation sociale et la diffusion de messages de maintien à domicile ont été nécessaires. Dans l'ensemble, ces mesures ont ralenti la transmission du virus, mais à un coût ahurissant pour l'économie. Sans une économie, la société ne peut pas tenir debout. La meilleure solution est un vaccin pour lutter contre la COVID-19.

Notre meilleure feuille de route pour comprendre l’évolution de la COVID-19 est la pandémie de grippe de 1918, où trois vagues d'infection ont balayé la planète. La première vague, ou vague annonciatrice, a balayé le monde pendant la démobilisation qui a suivi la première guerre mondiale. Elle fut suivie d'un ralentissement de l'activité de la maladie, peut-être en raison des réactions de la société et des influences saisonnières. Cependant, l'hiver suivant, une deuxième vague mondiale d'épidémies infectieuses s’est produite, entraînant plus de 30 millions de décès. Ce n'est que lorsque les niveaux d'immunité de la population ont commencé à s'accumuler en 1919 que des barrières naturelles à la transmission du virus sont apparues. Néanmoins, depuis lors, des vagues de grippe déferlent sur des populations partiellement immunisées, sous forme de cycles annuels de grippe H1N1.

Nous n'avons pas besoin que cela se reproduise avec la COVID-19. Nous sommes actuellement dans la vague annonciatrice et il est essentiel que nous nous préparions dès maintenant à la deuxième vague.  Si nous voulons réduire considérablement l'impact de la maladie, nous ne pouvons pas attendre que l'immunité de groupe induite par l'infection s'accumule pour limiter la propagation. Nous devons produire un vaccin efficace, et nous avons de 8 à 10 mois pour y arriver. Grâce aux nombreuses avancées scientifiques réalisées depuis 1918, nous sommes beaucoup mieux équipés pour lutter contre la COVID-19, en partie grâce à l'expérience acquise dans la mise au point de vaccins et au fait que, même si le virus s'est répandu dans le monde entier, l'analyse du génome à partir de milliers d'isolats a montré qu'il y a eu très peu de mutations. Cette caractéristique en fait une cible d’immunisation beaucoup plus stable que la grippe.

Le taux de reproduction de la COVID-19 (le nombre moyen de personnes qu'un seul individu infecté infecte au cours de son infection) dans une population exposée se situe entre trois et quatre. Ainsi, pour que l'immunité de groupe induite par l'infection suffise à lutter contre la transmission de la COVID-19, il faudrait que 67 à 75% de la population soit immunisée. Les études sérologiques actuelles, principalement menées aux États-Unis, indiquent que moins de 20% de la population a été infectée, ce qui souligne l'importance d'un vaccin efficace. Par conséquent, la mise au point rapide d'un vaccin est peut-être l'objectif scientifique le plus important au monde, car le délai habituel de 12 à 18 mois en principe nécessaire à la confection d’un vaccin ne correspond pas au véritable besoin de la société qui réclame un vaccin pour cet hiver.

Pourquoi le délai est-il si long ? Il existe de multiples goulots d'étranglement dans le développement d’un vaccin, mais un examen attentif des dizaines d'approches utilisées dévoile une limite critique : la plupart n'ont pas été utilisées pour les vaccins humains. Cinq technologies sont reconnues sécuritaires et efficaces pour la conception de vaccins humains : vaccins inactivés, atténués, à base de protéines, conjugués et à particules de type viral. En outre, les infrastructures nécessaires à leur production existent déjà. Les approches expérimentales les plus courantes utilisées dans le cadre de la COVID-19 comprennent le développement d'acides nucléiques (ARN et ADN), de nouveaux vecteurs viraux (l'adénovirus en est un exemple) et des vaccins peptidiques synthétiques, dont aucun n'est actuellement utilisé pour les vaccins humains courants. Par conséquence, leur application à la COVID-19 nécessitera un délai de développement plus long pour garantir la sécurité et l'efficacité, et impliquera également des processus plus difficiles pour la fabrication.

En période de pandémie pendant laquelle le temps est compté, les ressources utilisées pour les technologies vaccinales éprouvées devraient être prioritaires par rapport aux technologies expérimentales. Un vaccin de première génération qui fonctionne peut être amélioré par la suite grâce à des techniques plus expérimentales. Compte tenu de notre expérience antérieure dans la production de vaccins contre le SRAS, nous pensons que l'utilisation des technologies existantes, telles qu'un vaccin à virus inactivé ou un vaccin à base de protéines S, nous permettra d'identifier et de fabriquer un produit efficace d'ici cet hiver. Un tel vaccin peut rapidement passer aux essais de phase 1 et 2 pour garantir la sécurité et l'immunogénicité en raison des résultats obtenus précédemment avec cette technologie, et passer rapidement aux essais de phase 3 chez les travailleurs de la santé pour la saison hivernale des virus respiratoires. Comme pour tout vaccin, les essais cliniques de la première phase devront soigneusement exclure les effets négatifs potentiels tels que les anticorps renforçant la maladie ou les réponses immunitaires cellulaires. Au cours des quatre premiers mois suivant la première identification de la COVID-19, la Chine avait déjà communiqué sur le développement préclinique d'un vaccin inactivé qui était hautement protecteur sans effets secondaires négatifs chez des primates infectés, et qui pourrait bientôt faire l'objet d'essais chez l'être humain. Une telle approche devrait constituer un effort stratégique national au Canada, mobilisant des scientifiques et des biotechnologues pour produire un vaccin fabriqué au Canada.

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