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Résumé

Les répercussions des antécédents de maltraitance pendant l'enfance sur la santé psychologique des femmes enceintes sont bien établies, mais plusieurs autres expériences défavorables demeurent sous-étudiées. L'objectif est d’évaluer la contribution unique de 33 expériences potentiellement traumatiques à divers marqueurs de fonctionnement psychologique et parental chez des femmes enceintes. Un échantillon de 2337 femmes enceintes a complété un inventaire de traumatismes interpersonnels et des questionnaires évaluant différents marqueurs de fonctionnement (symptômes de stress post-traumatique, émotions désagréables, personnalité, mentalisation et attachement anténatal). Les résultats démontrent que l'exposition à une variété d'expériences potentiellement traumatiques est fréquente chez les femmes enceintes (4,52 expériences en moyenne). Une association est observée entre le cumul d'expériences pendant l'enfance ou l'adolescence et la sévérité des marqueurs de fonctionnement, sous la forme de symptômes de stress post-traumatique plus sévères, d'un risque accru de vivre des émotions désagréables, de dysfonctionnements de la personnalité plus importants sur les plans du fonctionnement du soi et interpersonnel et d'atteintes de la mentalisation. En considérant simultanément les 33 expériences, 24 démontrent une contribution unique significative avec au moins un des marqueurs de fonctionnement. Ces résultats appuient l'importance d'inclure un large spectre d'expériences potentiellement traumatiques dans les pratiques impliquant le dépistage et en recherche scientifique.

Abstract

The negative impact of a history of childhood maltreatment on the psychological health of pregnant women is well established, but many other forms of adverse childhood experiences remain understudied. The objective is to assess the unique contribution of 33 potentially traumatic experiences to various markers of psychological and parental functioning in pregnant women. A sample of 2337 pregnant women completed the Childhood Interpersonal Trauma Inventory and questionnaires assessing post-traumatic stress symptoms, unpleasant emotions, personality, mentalizing, and antenatal attachment. Participants reported an average of 4.52 potentially traumatic experiences. Considering simultaneously the 33 experiences, 24 had a significant unique contribution to at least one of the markers of psychological and parental functioning. Results show that exposure to a variety of potentially traumatic experiences is common among pregnant women. The accumulation of experiences is associated with more problematic psychological functioning during pregnancy, notably reflected in higher levels of post-traumatic stress symptoms, increased experiences of unpleasant emotions, greater severity of personality dysfunctions affecting self and interpersonal functioning, and impaired mentalization. Most experiences have a unique contribution to psychological functioning, supporting the importance of including a broad spectrum of potentially traumatic experiences in practices involving trauma screening and in scientific research. [This is a translation of the French summary provided by the author.]

Introduction

Les traumas psychologiques réfèrent à « une série d’évènements ou un ensemble de circonstances qui sont vécus par une personne comme étant physiquement ou émotionnellement préjudiciables ou mettant sa vie en danger et qui engendrent des effets négatifs durables touchant son fonctionnement et son bien-être psychologique, physique, social, relationnel, émotionnel ou spirituel » (Traduction libre, SAMHSA 2014, p.7). Les traumas interpersonnels au cours de l'enfance (TIE) impliquent quant à eux l’échec de figures d'attachement ou de personnes significatives à offrir aux enfants un environnement bienveillant ou sécuritaire et une réponse adéquate à leurs besoins (Felitti et al. 1998Zagaria et al. 2024). Ceux-ci sont susceptibles d'entraîner des conséquences importantes sur la santé physique et psychologique, à tel point que certains chercheurs avancent que les traumas interpersonnels, sous la forme d'abus ou de négligence, représentent le facteur de risque modifiable le plus important en ce qui a trait aux troubles mentaux (Teicher et al. 2022). En effet, les TIE sont associés à un risque accru de psychopathologies (Baldwin et al. 2024Daníelsdóttir et al. 2024), de divers problèmes de santé physique (Afifi et al. 2016Hailes et al. 2019), de difficultés sur le plan du fonctionnement psychosocial (Archer et al. 2017Labella et al. 2018) et de répercussions structurelles et fonctionnelles sur le cerveau (Teicher et al. 2016). En outre, de nombreuses données soutiennent un effet cumulatif, ce qui signifie que le nombre d'expériences distinctes vécues ainsi que la répétition de ces expériences accroissent le risque de développer des problèmes de santé physique (Afifi et al. 2009Hughes et al. 2017) et psychologique (Copeland et al. 2018Daníelsdóttir et al. 2024). Ce constat est d'autant plus alarmant considérant qu'environ le tiers de la population canadienne rapporte avoir vécu au moins une expérience de TIE sous la forme d'abus ou de négligence au cours de leur enfance (Afifi et al. 2014Garon-Bissonnette et al. 2022a).

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