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Perception du risque par le public pendant la pandémie de COVID-19

Donald Redelmeier and Jonathan Zipursky | 23 avril, 2020

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La distanciation sociale et d'autres mesures agissant sur les comportements réduisent l'étendue d’une maladie, mais leurs impacts dépendent de la perception du risque par le public. Nous avons analysé les données récoltées par des sondages récents lancés par Ipsos. Ces données mettent en évidence cinq problématiques majeures concernant la perception du risque par le public.

Tout d'abord, de nombreuses personnes émettent des doutes quant aux indicateurs internationaux et supposent que les statistiques ne s'appliquent pas à leur propre communauté. À titre d’exemple, 59% de la population russe interrogée à la mi-février pensaient que l'épidémie de coronavirus était contenue et serait bientôt terminée. Par contre, les données de santé publique russes récoltées à la mi-avril ont montré une forte augmentation du nombre de patients diagnostiqués, soit des milliers de nouveaux cas chaque jour. Cette situation peut servir d’avertissement à tous les Canadiens qui penseraient, à tort, ne pas être concernés.

Une deuxième problématique est l’incompréhension égoïste en comparaison avec le voisinage. À titre d’exemple, seuls 7% des Français interrogés pensaient que le coronavirus était une menace élevée pour eux personnellement, alors que 20% pensaient qu'il s'agissait d'une menace élevée pour leur pays. La même divergence apparaît chez les Canadiens et touche la plupart des problèmes de santé publique, comme, par exemple, les automobilistes pensant qu'ils sont meilleurs que la moyenne des conducteurs. Cela étant, ce sentiment de supériorité personnelle peut conduire à négliger les mesures de protection telles que l'hygiène régulière des mains pendant la pandémie.

Une autre problématique est que les gens font confiance à leurs intuitions et supposent que leurs propres croyances sont largement partagées par les autres. À titre d’exemple, dans les réponses aux enquêtes menées au Royaume-Uni, les répondants étaient partagés quant au développement rapide d’un vaccin ou d’un traitement contre le coronavirus par les entreprises pharmaceutiques. Bien sûr, des personnes raisonnables peuvent avoir des opinions opposées sur des sujets importants, mais les opinions divergentes sont facilement rejetées car considérées comme étant biaisées ou non fondées. Notre capacité à engager un débat sain et énergique est essentielle au maintien de la cohésion sociale dans le contexte de situations à risque.

Un quatrième élément est le changement rapide de certains comportements grâce aux directives scientifiques. À titre d’exemple, la majorité des Italiens interrogés déclaraient maintenant se laver les mains plus souvent (69%), éviter les grands rassemblements (68%) et porter un masque facial (62%). En revanche, modifier un système de santé peut prendre des années, et les changements génétiques s’étalent sur plusieurs générations. D'une manière générale, les comportements spécifiques adoptés par les Canadiens pour eux-mêmes constituent un important déterminant de la santé publique, comme le sommeil de nuit pour maintenir la résilience du système immunitaire.

Un dernier élément à souligner est le fait qu’adopter les mesures de distanciation sociale, l'hygiène des mains et d'autres idéaux sont souvent plus facile pour les personnes riches que pour celles vivant dans la pauvreté. Dans les réponses du Canada par exemple, la plupart des répondants ont fait état de comportements proactifs pour se protéger contre le coronavirus ; cependant, les taux sont plus élevés chez les personnes ayant un revenu annuel supérieur à 100 000 dollars que chez celles ayant un revenu inférieur à 40 000 dollars (respectivement 94 % contre 85 %). Le problème est que les risques de pandémie ne sont pas uniformément répartis et tendent à accentuer les inégalités et les injustices sociales.

Ces données internationales montrent que les Canadiens sont semblables aux autres populations du monde. Cependant, le nombre total de décès dus à la COVID-19 au Canada est resté jusqu'à présent beaucoup plus faible que dans tous les autres pays du G7, à l'exception du Japon. Cela en dit long sur le comportement quotidien extraordinaire des Canadiens en matière de distanciation sociale et d'autres interventions non pharmacologiques. En outre, les professionnels de la santé canadiens de première ligne remercient la population de mener de tels efforts pour éviter la surpopulation des hôpitaux. Il sera essentiel d'évaluer la perception du risque par le public pendant la pandémie, mais aussi lorsqu'elle sera terminée.