Les consommateurs veulent adopter le développement durable, mais ils ont quand même besoin d’être guidés. Shutterstock David J. Hardisty, University of British Columbia; Katherine White, University of British Columbia et Rishad Habib, University of British Columbia
La plupart des gens veulent consommer de manière responsable, mais ont du mal à prendre les mesures nécessaires.
Selon l’entreprise d’analyse de données Nielsen, le développement durable serait la toute dernière tendance en consommation. Sa recherche indique que les ventes de chocolat, de café, et de produits de bain qui se réclament « durables » augmentent beaucoup plus vite que leurs équivalents conventionnels. Et pourtant, seuls 0,2 pour cent des chocolats et 0,4 pour cent du café se vendent avec une certification environnementale.
Comment traduire ce buzz de consommation durable dans des gestes concrets? Pour trouver une réponse, notre groupe a analysé 320 articles académiques publiés dans les revues les plus en vue dans le domaine des comportements de consommation. Ce qui nous a permis d’identifier cinq pistes permettant de faire évoluer les consommateurs vers des choix durables: il s’agit de l’influence sociale, des habitudes, les gestes individuels, les sentiments et la raison, et les aspects tangibles.
L’influence sociale
L’humain étant un animal grégaire, ils suivra les actions des autres, surtout en matière d’éthique. Quand les gens apprennent que leur voisin utilise moins d’électricité qu’eux, ils abaissent leur consommation.
Shutterstock
Mais qu’en est-t-il lorsque un comportement responsable reste à instaurer? Par exemple, comment convaincre d’installer des panneaux solaires si personne d’autre ne le fait dans le quartier? Un « ambassadeur de marque » peut s’avérer précieux. Les tenants de l’énergie solaire qui ont installé des panneaux dans leur propre demeure ont réussi à convaincre 63 pour cent de résidents supplémentaires à acquérir et installer ces panneaux.
Car le comportement éthique des autres peut faire école. Lorsque les étudiants en gestion d’une université ont appris que les étudiants en science de la même université compostaient davantage qu’eux, ils ont plus que redoublé d’efforts.
Les habitudes
Pour évoluer vers une nouvelle habitude « durable », il faut d’abord perdre ses mauvaises habitudes. Ce qui est plus facile lorsque surviennent de gros changements de vie, tels qu’un déménagement, un mariage, ou le début d’un nouveau travail. Une étude démontre qu’à la suite d’un déménagement, les gens ont réduit de moitié ou presque l'usage de leur véhicule.
Une autre stratégie consiste à pénaliser les comportements délinquants, plutôt que de récompenser les comportements vertueux. Il se peut cependant que les gens retournent à leurs mauvaises habitudes si la pénalité est supprimée alors que le nouveau comportement n’est pas encore entré dans les mœurs.
Shutterstock
Afin de développer de nouvelles habitudes, il faut rendre l’action responsable facile à maîtriser, fournir des rappels ponctuels, offrir des incitatifs afin de permettre au gens d’initier ces nouvelles habitudes, et fournir une rétroaction en temps réel sur une longue période. Un survol des techniques de rétroaction démontre que lorsque l’on partage une mesure de la consommation énergétique en temps réel avec des usagers, leur consommation d’électricité baisse de 5 à 15 pour cent.
Les gestes individuels
Le développement durable est plus séduisant quand une personne en perçoit les avantages, si par exemple on souligne ses effets bénéfiques pour sa santé, ou encore la qualité d’un produit. En souligner l’efficience fonctionne également. Quand les gens réalisent que leurs actions comptent, ils font des choix plus verts.
Être consistant est tout aussi important. On aime faire coïncider nos paroles et nos gestes. Un engagement environnemental peut faire boule de neige vers d’autres actions et changements au fil du temps. Par exemple, si on isole sa maison, on aura davantage tendance à en débrancher les appareils électriques avant de partir en vacances.
De même, les consommateurs s’attendent à ce que les entreprises fassent preuve de consistance. Une étude menée auprès d’un hôtel ayant fait un effort visible dans le sens de l’environnement (en offrant des articles de toilette compostables) et ayant demandé à ses clients de réduire leur consommation d’énergie, a amené ceux-ci à réduire leur consommation dans une proportion de 12 pour cent. En l’absence d’efforts visibles, cette demande a été jugée hypocrite et la consommation énergétique a augmenté.
Il faut également considérer la perception que l’on a de soi. Nous opérons des choix conditionnés par ce que nous sommes et ce que nous voudrions être. Une étude a établi que favoriser l’environnement est parfois ressenti comme étant une valeur « féminine », ce qui pourrait pousser certains hommes aux valeurs traditionnelles à s’en détourner. Par contre, en présentant le combat environnemental comme un moyen de protéger et préserver la nature sauvage, l’écart de perception entre les sexes disparaît.
Sentiments et raison
Nos décisions sont parfois prises à l’improviste, poussées par l’inspiration du moment. Et parfois nous ne décidons qu’après de longues délibérations. Pour communiquer le message environnemental, il faut tenir compte à la fois du coeur et de la tête.
Un consommateur est à la recherche de sentiments positifs, comme la joie, la fierté, et le doux sentiment que l’on éprouve à faire le bien. Si le choix durable est ludique, c’est pour celui-ci qu’on optera naturellement. À l’inverse, les émotions négatives telles la peur et la culpabilité peuvent s’avérer efficaces, à condition de s’en servir avec modération. Mais les messages exagérément émotionnels et culpabilisants agissent comme un repoussoir, et pourraient être volontairement ignorés, ou même produire l’effet inverse de celui escompté (effet de réactance psychologique).
S’il est important de partager auprès des consommateurs des informations exactes et de les éduquer, il faut les présenter de manière à ce qu’ils s’y intéressent. Une étiquette qui indique le nombre de watts consommés par chaque ampoule aura peu d’impact sur les choix de consommation, alors qu’en étiquetant de manière à indiquer le coût sur 10 ans, on a permis de quadrupler les achats d’ampoules éco-énegétiques qui sont passés de 12 à 48 pour cent du total des ventes. Les labels écolo-énergétiques bien conçus constituent un moyen idéal de communiquer sur la durabilité aux consommateurs.
Les aspects tangibles
En règle générale, les gens se préoccupent peu de conséquences abstraites et lointaines. Il est donc essentiel de rendre tangible le concept de développement durable.
On peut communiquer sur les impacts locaux ou de proximité des actions pro-environnementales. Par exemple, comment faune et flore locales sont-elles déjà affectées par les changements climatiques?
Des exemples concrets peuvent également aider. On sera plus ému par les photos de la fonte d’un seul glacier sur un an que par un graphique illustrant la fonte de tous les glaciers du monde.
Pour arrimer l’échelle temporelle des consommateurs à celle de l’environnement, il faut projeter les consommateurs dans l’avenir. Selon une étude ou l’on demandait au gens d’examiner leur héritage (comment désirez-vous que l’on se souvienne de vous?), les personnes interrogées ont augmenté de 45% leur contributions à des oeuvres caritatives environnementales.
Afin de maximiser le virage du développement durable, il faut utiliser plusieurs stratégies à la fois. Par exemple combiner la pression sociale et les aspects tangibles. Essayez cette tactique en petits groupes afin d’en évaluer les effets. Si ça ne marche pas. Essayez autre chose jusqu’à trouver la combinaison gagnante, et généralisez cette approche.
C’est en travaillant ensemble que nous pourrons combler le « déficit vert » et passer de l’intention à la pratique.
Vous aimez ce que vous avez lu ? Vous en voulez plus ? Abonnez-vous à notre infolettre hebdomadaire.
David J. Hardisty, Assistant Professor of Marketing & Behavioral Science, University of British Columbia; Katherine White, Professor of Marketing and Behavioural Science, University of British Columbia et Rishad Habib, PhD student, Sauder School of Business, University of British Columbia
La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.
« Voix de la SRC » est une série d’interventions écrites assurées par des membres de la Société royale du Canada. Les articles, rédigés par la nouvelle génération du leadership académique du Canada, apportent un regard opportun sur des sujets d’importance pour les Canadiens. Les opinions présentées sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de la Société royale du Canada.