Résumé
Au Québec, la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (LEMV), adoptée en 1989, a pour but d'assurer la sauvegarde de l'ensemble de la diversité génétique sauvage de la province en protégeant les espèces en situation précaire. Toutefois, depuis sa mise en œuvre il y a une trentaine d'années, il a été souligné à maintes reprises que l'application du cadre législatif québécois pour la protection des espèces sauvages en situation précaire était souvent lente et insuffisante. Les objectifs de cet article sont donc d’établir une série de constats sur les limites de la mise en œuvre de la législation actuelle puis de proposer neuf recommandations urgentes afin de rendre plus efficaces les efforts de conservation des espèces en situation précaire sur le territoire québécois. Nos recommandations visent l'augmentation de l'efficacité et la transparence du processus de désignation, la reconsidération des mécanismes de compensation pour la perte d'habitat et l'harmonisation des statuts d'espèces entre les gouvernements fédéral et provincial. Nous espérons que cet article pave la voie à une discussion constructive menant à une meilleure protection des espèces sauvages en situation précaire et assurant leur viabilité pour les générations futures.
Introduction
À l’échelle planétaire, les populations sauvages sont confrontées à des changements environnementaux grandissants principalement d'origine anthropique (Bowler et al. 2020) incluant la perte et la dégradation d'habitats dues à l'agriculture, au développement urbain, à la foresterie ainsi qu'au développement énergétique et minier. La propagation de maladies et d'espèces exotiques envahissantes, la pollution et les changements climatiques sont aussi des facteurs de stress environnementaux d'origine anthropique qui ont un impact important sur la biodiversité mondiale (WWF 2018; Maxwell et al. 2019). Plusieurs études montrent que ces changements peuvent affecter l’écologie, l’évolution et la viabilité des populations sauvages (Baillie et al. 2004; Montoya et Raffaelli 2010; Gomes et al. 2021). En effet, certains auteurs ont estimé qu'actuellement, la perte d'espèces serait environ 10 000 fois plus importante qu'avant l'arrivée de l'espèce humaine sur Terre (De Vos et al. 2015; Ceballos et al. 2017) compromettant ainsi d'importants services écosystémiques (Montoya et Raffaelli 2010; Gomes et al. 2021). Devant cette crise de la biodiversité, il est primordial de disposer d'un cadre légal efficace de protection des espèces en situation précaire et de leurs habitats pour freiner les déclins en cours et futurs.